Evènements

Soutenance de thèse, Thomas Vercruysse, « La kairologie », U. Paris 8, 17 décembre 2016

SOUTENANCE DE THÈSE

Thomas Vercruysse

soutiendra sa thèse de doctorat en Philosophie générale sur

« La kairologie- Pour une poétique de la circonstance »

le samedi 17 décembre 2016

à l’Université Paris 8 à partir de 14h.

Jury

Pierre Cassou-Noguès, Professeur à l’Université de Paris 8-Vincennes-Saint-Denis (directeur)
Martin Rueff, Professeur à l’Université de Genève (co-directeur)
Jérôme de Gramont, Professeur à l’Institut Catholique de Paris
Marielle Macé, Directeur de Recherche au CNRS, Paris
Benoît Timmermans, Maître de Recherche à l’Université Libre de Bruxelles – FNRS
Laurent Van Eynde, Professeur à l’Université Saint-Louis de Bruxelles
Résumé

Cette thèse se donne pour objectif de développer et ramifier une esthétique des formes (cognitives, artistiques et naturelles) en enrichissant la phénoménologie herméneutique de certains apports de la pensée dynamiciste. Nous comptons nouer ces approches au moyen de l’interface entre morphologie (la pensée des formes issue de Goethe) et kairologie (l’attitude de pensée privilégiant la circonstance à l’essence, la métamorphose à la substance). La kairologie est encore à écrire. Nous voulons montrer à travers ce projet qu’il existe une lignée, marginale dans la pensée occidentale, qui n’a pas mis au premier plan les essences, mais les circonstances, afin de faire primer les processus sur les états, le devenir sur l’être. Cette lignée, en tant que telle, n’a pas été retracée et elle n’a pas conscience d’elle-même car sa généalogie lui fait défaut. Dans le cadre prescrit par la nouvelle thèse, il ne saurait être question de la relater entièrement ; nous nous contenterons d’en dégager quelques étapes caractéristiques. Une histoire de la kairologie est-elle possible ? La question paraît d’emblée ambiguë car potentiellement pléonastique: on pourrait être tenté de lire, dans la kairologie, une histoire de l’attention portée aux circonstances. Seulement, la kairologie n’est pas une tradition, au sens où l’intertextualité entre les auteurs que nous allons étudier ne s’est pas tissée à partir de la circonstance. La kairologie n’est pas une histoire, c’est une méthode; nous nous
proposerons de passer d’abord en revue une galerie de portraits non pas biographiques ou monographiques (se donnant pour objectif de faire le point sur une personnalité intellectuelle) mais méthodiques, tentant de capturer des gestes. Les méthodes qui nous intéressent relèvent davantage du récit rétrospectif, enquêtant sur un chemin, que du décret prospectif ou normatif s’attachant à tracer une voie ou à l’imposer. Ces méthodes nous livreront donc les premiers éléments d’une poétique de la circonstance: leur inventaire, s’il tente de ne pas verser dans la rhapsodie de parcours apatrides, puisque ces parcours cheminent sur les terres de Kairos, n’a pas non plus pour vocation de donner lieu à une logique proprement dite, incapable de rendre raison du grain de la circonstance.
Prendre la mesure de la fécondité de la kairologie, c’est aussi assumer un certain nombre de risques. Cette fécondité, nous la mesurerons d’abord en évoquant un ensemble d’interactions possibles avant de nous concentrer sur la retombée pour nous la plus déterminante : la kairologie pourrait bien servir la cause des sciences humaines dans la mesure même où elle permet de repenser la cause dans les sciences humaines. De fait, penser en termes de kairos, c’est refuser le déterminisme causal, peu susceptible d’éclairer les phénomènes humains – leur créativité, leur imprévisibilité, leur inventivité.
Nous ne sommes pas les inventeurs de la kairologie. Nous sommes ses découvreurs. Pour voir la kairologie à l’oeuvre, nous nous intéresserons à des penseurs et à des créateurs et, bien souvent, à des créateurs qui sont également des penseurs, portant un regard réflexif sur leur pratique. On peut mentionner Diderot, Goethe, Valéry, Klee, Debord, Gracq, mais aussi Simondon et Augustin Berque. La kairologie permet d’offrir une vision différente de l’histoire de la philosophie qui s’apparente à la déconstruction. En quel sens ? Un philosophe comme François Jullien a élaboré une oeuvre considérable dans le but de montrer comment, du dehors, la pensée chinoise peut nous permettre de critiquer, de déconstruire la pensée occidentale dominante. Nous pensons qu’il est possible de déconstruire la pensée occidentale du dedans, dans un geste bien différent de celui de Jacques Derrida, par la mise au jour de cette contre-culture représentée par la kairologie. Cette déconstruction interne n’exclura pas non plus de recourir à une déconstruction externe, prenant appui sur des apports majeurs des traditions orientales dont la kairologie gagnerait à se nourrir.
Notre recherche vise ainsi à enquêter sur les liens entre création artistique, création naturelle et individuation à partir de la notion de circonstance, de kairos ; à ce titre, sa dimension interdisciplinaire est clairement revendiquée.
Cette interdisciplinarité est multiple. Elle concerne en effet des champs aussi divers que le rapport entre esthétique et épistémologie (1), kairologie et morphologie (2), kairologie et herméneutique (3) ;
Comme Monique Trédé l’a mis en évidence, le concept de kairos est né avec l’essor des technai, et il va disparaître de l’horizon théorique quand les technai vont être assujetties aux lois de la science. Notre recherche, fidèle à l’épistémocritique de Michel Pierssens, se situant à
l’interface de l’esthétique et de l’épistémologie, nous remettrons le kairos au centre du débat pour envisager des rapprochements possibles entre arts et sciences.
Il s’agira de mettre au jour quelques jalons de la méthode kairologique, en partant du postulat qu’elle s’oppose à la tradition ontologico-métaphysique sur laquelle nous vivons, de même que s’opposent l’essence et l’accident (même si cette notion d’accident ne saurait épuiser la question de la circonstance et de sa fécondité). René Thom a bien indiqué que la forme en formation est du registre de l’accident et que, à ce titre, elle échappe à la mathématique analytique dont les cadres sont, eux aussi, largement hérités de la tradition ontologico-métaphysique. Nous envisagerons comment la kairologie peut éclairer la morphogenèse et se libérer des cadres de l’ontologie (en tant qu’elle est gouvernée par les principes d’identité et de non contradiction) pour établir, ou esquisser, une pensée unifiée de la création.

Les commentaires sont fermés.

Motorisé par: Wordpress