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Séminaire La Reconstruction, Giuseppe D’Ottavi, « Émile Benveniste reconsidéré », Mardi 13 décembre 2022,

Séminaire-Atelier de lecture La Reconstruction 2022-2023

Giuseppe D’Ottavi (ITEM, CNRS/ENS, Paris)

« Émile Benveniste reconsidéré »

Mardi 13 décembre 2022,

18h-19h15

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Les récits de la réception de l’œuvre d’Émile Benveniste (1902-1976) mentionnent tous l’importance capitale de ses travaux sur les langues anciennes pour s’arrêter fatalement sur ses travaux généralistes, notamment ceux comportant l’élaboration d’une notion inédite de subjectivité et illustrant la manière par laquelle l’univers du langage en rend compte.

L’atelier de lecture que nous proposons se veut une tentative de contrebalancer la considération actuellement dominante de l’œuvre benvenistienne en proposant une immersion dans le domaine d’élection qui fut le sien : la linguistique historique et comparée des langues indo-européennes. Notre but majeur est de laisser émerger la méthodologie propre de Benveniste par rapport aux études contemporaines dans ce champs particulier. Ensuite, on verra si et dans quelle mesure une telle attitude méthodologique peut se retrouver dans ses travaux aujourd’hui plus fréquentés.

Comme point d’entrée, nous prendrons en compte la théorie des laryngales, nœud classique des études sur l’indo-européen reconstitué et théorie au développement de laquelle Benveniste – à travers une modélisation de la composante morphologique radicale – a donné une contribution majeure.

L’essentiel de la théorie des laryngales vise la reconstitution du vocalisme i.e. à travers une suite des modifications contextuelles déclenchées par une unique classe d’entités (dites « laryngales »). L’opposition de quantité vocalique des langues historiques est ainsi reformulée en termes d’opposition qualitative régie par un principe de réactivité syntagmatique.

Dans un article célèbre, Oswald Szemerényi (1913-1996) qualifie la théorie de la racine mise au point par Benveniste (1935) de « synthèse extrêmement élégante » (BSL 68 [1973], p. 19). Si on renonce à considérer la connotation d’« élégance » comme signe générique d’appréciation, il reste l’espace pour s’interroger sur le fonctionnement d’une composante esthétique dans sa méthodologie de recherche.

À la suite de la découverte saussurienne (toute racine i.e. contient un e dans sa forme de base), le modèle de Benveniste (toute racine i.e. est décrite par la chaîne ) s’oppose, par exemple, à la formulation de Karl Brugmann (1849-1919), qui met en place pas moins que sept types possibles pour cette même entité (Kurze vergleichende Grammatik [1904], § 367), ou à l’avis d’André Martinet (1908-1999), selon lequel on ne pourra jamais savoir « combien de laryngales » il faut reconstruire (Word 9 [1953], § 29).

Le caractère opératoire de la démarche benvenistienne ne cache pas ce qui nous semble l’une des caractéristiques les plus attirantes de son approche de la grammaire historique et comparée : la recherche des principes d’organisation de la langue s’explique et se déploie sous l’aspect de la beauté géométrique de la symétrie. Nous tâcherons de montrer que sous le regard de Benveniste l’entreprise de la reconstitution indo-européenne se joue sur une dimension transcendantale, en comportant un geste très particulier de formalisation des données linguistiques. Nous prendrons le risque d’argumenter que cette aptitude, répondant à des soucis d’harmonie et simplicité, et qui se laisse configurer en effet comme une esthétique, inspire aussi les hypothèses qui sont à la base des systèmes de reconstitution des représentations symboliques à l’œuvre dans ses travaux ultérieurs. *

Giuseppe D’Ottavi est chercheur associé à l’Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM CNRS/ENS). Linguiste indo-européaniste de formation et historien des sciences du langage par vocation, ses recherches portent sur la (dé)structuration de la frontière entre la linguistique historique et comparée des langues indo-européennes et la linguistique générale. Il s’est occupé de Ferdinand de Saussure (« Matériaux pour l’étude de De l’emploi du génitif absolu en Sanscrit de F. de Saussure (1881) » [2018], « Saussure l’indianiste » [2018]), Roman Jakobson (dont il a édité la correspondance avec Eli Fischer-Jørgensen, 1949-1982 [2020]), Émile Benveniste (il a édité, avec Irène Fenoglio, le recueil Émile Benveniste 50 ans après les Problèmes de Linguistique générale [2019]). Il travaille actuellement à un projet de réédition, sous forme de nouvelle version revue et augmentée, du Lexique d’É. Benveniste, publié par Jean-Claude Coquet et Marc Derycke entre 1971 et 1972. Récemment, il a organisé une journée d’études consacrée au centenaire de la parution du Recueil des publications scientifiques de Ferdinand de Saussure ; il est membre du Comité du Cercle Ferdinand de Saussure et de la Società di linguistica italiana.

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