Appel à communication

Appel à communication, « La Mémoire en questions : transmission, transferts et mises en récit », U. des Açores, octobre 2020

APPEL A COMMUNICATION

Colloque APEF – AFUE – SHF

« La Mémoire en questions : transmission, transferts et mises en récit »

Université des Açores – Ponta Delgada

1 et 2 octobre 2020

La mémoire est récit et inversement, pourrai-t-on dire avec Paul Ricoeur (1983 : 85) : tout récit se construit en faisant appel à la remémoration d’événements et d’expériences, mais c’est la narration qui nous permet de donner sens (à la fois direction et signification) à ce qui n’est auparavant qu’un ensemble disparate d’éléments déconnexés. Philosophes, théoriciens de la littérature, psychologues, historiens s’accordent sur le fait que pour donner sens à la vie, il nous faut des mises en récit. « [L]a vie […] est un récit en quête de narrateur » (Revault d’Allones, 2013 : 208).
Pour l’individu, l’expérience du Moi dépend d’une mise en intrigue. De ce que Paul Ricoeur a appelé « l’identité narrative » (Ricoeur, 1990), la composante de l’identité personnelle qui permet à chacun de réorganiser et interpréter son expérience passée et d’en produire une version cohérente. On remplit les lacunes et répare les ruptures, visant une temporalité linéaire et une logique séquentielle. On adopte des schémas narratifs pour bâtir une histoire univoque à partir d’une réalité changeante et difficile à cerner. Un exercice que l’autobiographie – et son avatar contemporain, l’autofiction – miment plus directement. Toute oeuvre littéraire, d’ailleurs, dépend de la mémoire et de la narrativité pour créer des univers fictionnels proches de la réalité (Pavel, 2003) ou en expérimentation de mondes possibles (Lavocat, 2010).
Pour le collectif, c’est la mémoire et son contrepoint, l’oubli, qui dictent les versions officielles des histoires nationales – littéraires, politiques, sociales. La mémoire dépend, en effet, paradoxalement de l’oubli. Lui seul rend possible d’apprivoiser le vécu, par l’effacement de ce qui n’intégrera pas le récit final, retenant ce qui renforce l’interprétation choisie, partant la plus répandue. Chacun s’inscrit contre une tradition qu’il accepte ou refuse, mais à partir de laquelle il bâti son propre parcours, littéraire ou autre. Sans l’oubli, en revanche, les traumas du passé sont revécus à partir des récits recueillis auprès des générations
précédentes, dans ce que l’on a convenu d’appeler l’expérience de la postmémoire (Hirsch, 2014)
Pour l’individu comme pour le collectif le XXIe siècle présente des défis, de par la quantité grandissante d’information, stockée et numérisée par et dans des mémoires virtuelles, immatérielles et imperméables à l’oubli. Il s’ensuit forcément des questionnements sur les rapports entre récit et médias, et entre la puissance mas-médiatique du récit, considérée par d’aucuns comme « un mal insidieux » appelant à penser une nouvelle mythocratie (Citton, 2017). Alors que le « tournant narratif » se vérifie dans des domaines aussi diversifiés que le storytelling commercial et politique (Salmon, 2007), la médecine (Charon, 2006), le droit (Ost, 2004), alors que l’hybridation des formes génériques et artistiques est une pratique constante, peut-on postuler l’existence d’un dispositif narratologique récit ?
En quoi l’éclatement et la variation du récit invite-t-ils à repenser le rapport au temps, à l’Histoire, à la temporalité, à la lecture ? Suivant une approche qui se veut prospective autant qu’historicisée, le congrès se propose de répondre à ces questions, sans enfermer le récit dans le cadre des études littéraires mais en incitant à des mises en perspective avec les enjeux historiques, sociaux, politiques et transdisciplinaires du récit, outre ses re/configurations esthétiques et fictionnelles.

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