Evènements

Procès de la fiction, Nuit blanche, Paris, 7 octobre 2017

EVENEMENT

« Le procès de la fiction »

Nuit blanche

Samedi 7 octobre 2017 de 19h (précises) à 2h du matin.

Salle du Conseil de Paris, Hôtel de Ville

Entrée par le 5, rue Lobau, 75004 Paris
Entrée libre et en streaming en direct sur Internet (cliquez ici)
Production Nuit Blanche 2017 (sous le commissariat général de Charlotte Laubard).

À l’heure des “faits alternatifs” prônés par l’administration Trump et de l’usage généralisé du storytelling par la classe politique, à l’heure de la mise en accusation et la judiciarisation de nombreux écrivains auxquels on reproche de trop mélanger réalité et fiction, à l’heure de l’émergence des “nouveaux réalistes” dans le champ philosophique, à l’heure d’un nécessaire retour au réel, sans cesse réaffirmé dans le débat public, un procès fictif, sous la forme librement inspirée d’un procès d’assises, propose de débattre et de délibérer sur la nécessité et la réalité d’une frontière entre fait et fiction.

Ces dernières années ont été, en effet, une nouvelle fois le théâtre de nombreux débats et polémiques sur la porosité de la frontière entre fait et fiction. Que l’on se rappelle par exemple les vives controverses autour des livres de Yannick Haenel, Jan Karski et de Jonathan Littell, Les Bienveillantes, qui réouvraient le spectre des débats épistémologiques sur l’écriture de l’histoire autant que sur les savoirs de la littérature et ravivaient de plus belle la querelle du narrativisme historiographique menée par l’historien Carlo Ginzburg à l’encontre d’Hayden White, notamment. Que l’on prenne acte, également, des procès en fact-checking d’écrivains de fictions tels qu’Edouard Louis – qui ne cesse d’affirmer que « tout est vrai », en dépit du prédicat fictionnel « roman » apposé sur ses ouvrages –, ceux de l’autofiction et la passionnante affaire Camille Laurens/Marie Darrieussecq – la première accusant la seconde de « plagiat psychique » – ou encore ceux du droit des personnages (procès de Christine Angot, Marcella Iacub, Régis Jauffret, parmi tant d’autres), comme autant de témoins d’une inquiétante fragilisation de la frontière entre fait et fiction pour les uns, d’une agentivité accrue de la littérature et de son action sur le réel pour les autres. Que l’on prenne acte, dans le champ du journalisme, face à la multiplication des fake-news, du recours, sans doute nécessaire, aux fact-checkers – Decodex pour le Monde, Desintox pour Libération, ou bien encore dès 2009, PolitiFact alors lauréat du Prix Pulitzer – mais qui place, désormais, comme aura pu le dénoncer Frédéric Lordon, le Fait, comme l’horizon du journalisme et non plus comme ce qui le précède – signant la confirmation d’un journalisme post-politique. Que l’on prenne acte, dans le champ philosophique, du grand retour du réalisme, du « réalisme spéculatif » initié en France par Quentin Meillassoux et ses émules anglo-saxons, du réalisme « des choses » de Tristan Garcia, du réalisme « contextuel » de Jocelyn Benoist, et d’autres encore (Markus Gabriel, Maurizio Ferraris, Jane Bennett, etc.) et qui, comme le diagnostiquerait un autre réaliste contemporain, Pascal Engel, se sont formés à la fois contre la peur d’avoir « perdu le monde » et en réaction aux supposées dérives panfictionalistes pour qui toute la réalité ne serait que construction sociale et, in fine, fiction – de Baudrillard (« Le guerre du Golfe n’a pas eu lieu ») à Nietzsche (« Il n’y a pas de faits, il n’y a que des interprétations ») en passant par Derrida ou Lacan (« La vérité a structure de fiction »).

En 2016, la théoricienne de la littérature Françoise Lavocat publiait « Fait et Fiction. Pour une frontière » (Seuil), ouvrage dans lequel celle-ci affirmait la nécessité de défendre cette frontière dont la réputation est d’être définitivement brouillée au coeur des pratiques contemporaines, que l’on pense aux cosplays et autres jeux de rôle grandeur nature, au cinéma documentaire, à la littérature factualiste, aux formes de simulation contemporaine, au théâtre sans théâtre, etc.
Dans ce contexte, quels sont les héritages de la Déconstruction, du panfictionnalisme et du constructivisme radical, que reste-t-il, plus encore, de la performativité des récits et des contre-fictions, de la valeur cognitive de la fictionalité ou encore de l’héritage des épistémologies postcoloniales qui ont réévalué la valeur des mythes et de la fabulation, que reste-t-il des historiographies narrativiste, fictionnaliste et expérimentale et de toutes ces méthodologies faisant la belle part à une histoire des possibles ? Nous faudrait-il
désormais affirmer, collectivement, la nécessité de régimes cognitifs distincts, nous faudrait-il sauver la frontière entre fait et fiction ?
L’Accusation sera portée par Françoise Lavocat, Alison James et Alexandre Gefen (théoriciens de la littérature) contre ceux qui, depuis plusieurs décennies, travaillent à ce grand brouillage entre fait et fiction. La Défense sera représentée par Laurent de Sutter, Dorian Astor et Fabien Danesi (philosophes et essayistes).
Le procès opposera ainsi les « différentialistes » (que la défense appellerait plutôt, moins gentiment, les « ségrégationnistes ») aux « intégrationnistes » (que l’accusation appellerait plutôt, plus méchamment, les « confusionnistes »).
Avocats de la défense et de l’accusation s’adjoignent de nombreux témoins et experts appelés à la barre comme autant de voix qui s’élèvent pour penser cette question qui dépasse les controverses actuelles. Parmi eux, Claudine Tiercelin (philosophe), Laurent Binet (écrivain), Maylis de Kerangal (écrivaine), Yannick Haenel (écrivain), Romain Bertrand (historien), Jacques Rancière (philosophe, sous réserve), Eric Chauvier (écrivain et anthropologue), Pascal Engel (philosophe), Pacôme Thiellement (écrivain), Mathieu Simonet (avocat et écrivain), Nancy Murzili (théoricienne de littérature), Quentin Deluermoz (historien), Thomas Mondémé (théoricien de littérature), Camille de Toledo (écrivain), Nadia Yala Kisukidi (philosophe), Dominique Viart (théoricien de littérature), Anna Arzoumanov (théoricienne de littérature), Dominique Cardon (sociologue), Olivier Caïra (sociologue). Avec la participation de Jason Karaïndros & Jakob Gautel (artistes) et Alexis Constantin (cinéaste).
La cour sera présidée par Caroline Broué (productrice à France Culture) et Mathieu Potte-Bonneville (philosophe), Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós seront assesseurs des juges, Ella Bellone incarnera l’huissière de justice. Le jury sera composé de participants à la Nuit Blanche.

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