Chapitre d’un livre à paraître, Tokyo / Paris. En d’autres mots,
par Misako Nemoto (U. Meiji, Tokyo)
- Le riz collant
Only new food, and new bodies, bothered me. They came too close.
Pierre Pachet, “Self-Portrait of a Conservative”
Je voudrais à présent ramener le problème à sa réalité la plus brute : la réalité corporelle. Un pays ou une culture, c’est une façon spécifique de se nourrir au quotidien. Mon fils en est témoin. Pendant le dîner, il me dit tout à coup, « pourquoi les Chinois, les Japonais, les Coréens c’est différent ? ». Je ne comprends pas tout de suite, mais en le questionnant, j’apprends qu’il est intrigué par la différence qu’il conçoit comme fondamentale, entre la nourriture asiatique et celle des Etats-Unis ou de la France. Pour lui qui préfère encore tout ce qui est asiatique en termes de cuisine, ce questionnement n’est pas entièrement dénué d’un certain ton de protestation. Si je le lui demandais, il ne saurait pas dire vraiment la différence, mais le ralliement des trois pays asiatiques qu’il a effectué dans sa tête, montre bien que pour lui, c’est une question de système, de différence fondamentale, et non de tel ou tel plat spécifique qu’il aime.
Tout d’abord les saveurs. Arrivant à Paris pour la première fois il y a trente-cinq ans, je ne me souviens pas tant d’avoir regretté les amis que j’ai laissés au Japon, mais surtout certaines saveurs, notamment de confiserie. Les parfums à mon sens outrés de cassis ou de framboise que je retrouvais, à mon grand dam, dans la plupart des confiseries biscuiteries françaises, me révoltaient. J’avais la nostalgie des gâteaux à la crème, légers et doux, des châtaignes fumées tendres et délicates, des glaces au lait et non à la crème ou à la vanille, des mandarines en conserve acides et pulpeuses à souhait. Beaucoup de gâteaux ou de bonbons français m’ont écoeurée au début. Comme j’étais furieuse lorsque je décelais dans la crème chantilly qu’on me servait avec mes fraises, un goût acide que je trouvais vraiment scandaleux.
Mon fils aussi manifesta ses réticences aux mêmes endroits. Il continua de préférer les bonbons japonais jusqu’à la fin de notre séjour à Paris (même s’il est vrai que vers la fin, il n’en était pas aussi affamé qu’au début ; il se contentait désormais des bonbons aux couleurs effrayantes qu’il trouvait chez la boulangère. Le temps fait donc aussi son travail pour estomper les contours de l’identité japonaise qui peut ne devenir, à la fin, qu’une idée sans réalité). [Lire le chapitre complet]