PARUTION
Joël Gayraud
Les Tentations de la matière
poèmes sur des sculptures de Virginia Tentindo
Quand j’entrai pour la première fois dans l’atelier de Virginia Tentindo, je crus traverser le miroir. Là, dans une pénombre de forêt vierge parcourue d’impalpables bruissements d’ailes, des créatures d’argile, de marbre, de porphyre et de bronze m’attendaient depuis toujours. Elles posaient sur moi ce regard venu de très loin, si pénétrant, mais sans rien d’inquisiteur, qui est le propre des étoiles dans la nuit claire et des enfants au réveil. Je n’aurais su dire d’où elles venaient, ni de l’Égypte pharaonique, ni des Indes ou de la Chine, ni des pays Maya ou Inca, ni des rivages innombrables de l’Océanie. J’avais débarqué sur une île n’apparaissant sur aucune carte. Une île peuplée de formes où je percevais, mêlés dans une sarabande immobile, des chats, des lions, des lièvres, des figures simiesques ou humaines et le visage même de la mort. Elles constituaient un monde unique, qu’on ne pouvait ramener à rien de connu, sauf à en perdre la signification. Malgré la confusion des genres et l’hybridation des espèces et des règnes, les sculptures de Virginia possédaient chacune leur caractère, défini par les noms dont elle les avait pourvues. Bien sûr, elle les avait nommées comme elle les avait créées, au gré de sa rêverie. Je m’avançai parmi elles, en les caressant de la main après les avoir cajolées du regard, éprouvant la douceur sensuelle du porphyre, les courbes tendues du bronze, la peau soyeuse de l’argile. Et de la même grave candeur avec laquelle elles m’avaient regardé, elles se mirent à me parler par-delà leurs lèvres muettes. À chacune de mes visites, je recueillais leurs paroles et c’est ainsi que peu à peu sont nés les poèmes que je leur ai consacrés dans ce petit livre. – Joël Gayraud
HORS SENTIERS
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