Françoise Gevrey, Alexis Lévrier, Bernard Teyssandier,
(CRIMEL)
Éthique, Poétique et Esthétique du Secret,
La République des Lettres, 59, Peeters
Alors que notre époque semble ne laisser aucune place au secret, il est difficile d’imaginer quelle fut son importance dans la pensée et la pratique sous l’Ancien Régime. Le présent volume, issu d’un colloque international qui s’est tenu à Reims, examine ce que fut le secret durant les XVIIe et XVIIIe siècles, tout en ouvrant l’étude à des textes originels comme le Roman du Graal, à la période romantique avec Senancour, Chateaubriand et Stendhal, voire au XXe siècle. Les contributions déclinent les diverses formes du secret : discrétion, dissimulation, énigme, mystère, implicite, clandestinité, espionnage. Dans la première partie, elles touchent à l’anthropologie et au rapport qu’entretiennent le politique et la morale. Une esthétique du secret s’affirme quand les poètes, les peintres et les dramaturges sollicitent la participation du spectateur. Le «plaisir secret» se charge alors de valeur positive. Les auteurs, les libraires et les journalistes n’ignorent pas la valeur pragmatique du secret.
La seconde partie du volume porte sur les fictions. Le roman de cette époque élabore des dispositifs ingénieux pour exprimer ce qui est à la fois montré et caché. Il circonscrit le secret dans son ambiguïté, sans pouvoir le dire vraiment. Quel que soit son intérêt au Grand Siècle, le secret d’amour tend à se vider de son contenu pour mieux éclairer les processus de communication. Le roman du siècle suivant hésite entre la dissimulation et la transparence ; avec le conte, il use de l’énigme et de la mystification pour mener un combat idéologique et pour interroger l’inconscient jusque dans l’érotisme et l’inceste. Ainsi la poétique du secret qui se développe jusqu’au seuil du XIXe siècle permet de repenser plus largement le rapport du lecteur à la production littéraire.