SÉMINAIRE
« Grandes et petites mythologies »
Karin Ueltschi
karin.ueltschi-courchinoux@univ-reims.fr
(CRIMEL – Axe 1 : « Poétique historique des genres et transmission des modèles et des savoirs »)
ARGUMENTAIRE
Si la « grande » mythologie, l’olympienne pour résumer, est depuis toujours l’enfant chéri à la fois des poètes et des savants, il n’en va pas de même de la « petite » mythologie (niedere Mythologie, le terme est des Frères Grimm), volontiers « boudée » alors qu’elle constitue une mémoire mythique et poétique aussi précieuse que la grande. En effet, il n’y a pas seulement les grandes oeuvres « classiques » ; il y aussi la sphère des traditions orales, viviers souvent les plus fidèles des antiques et mythiques mémoires. Il est vrai que ces traditions dites populaires ont certaines préférences : elles utilisent plus facilement de grosses bottes que des sandales ailées, mais en y regardant de plus près on se rend compte que c’est tout un : l’épaisseur du contingent, du quotidien, voire du trivial n’est qu’un voile imagé pour parler autrement des grands mystères de l’univers.
La « petite mythologie » est désormais gratifiée à son tour d’une « archéologie » universitaire qui repose sur les travaux pionniers notamment de James George Frazer, Arnold Van Gennep ; on connaît également les typologies – quelles que soient les réserves qu’elles peuvent alimenter – établies par Vladimir Propp ou encore d’Aarne et Thompson et qui cherchent à cerner au plus près l’élément oral « invariable » dans nos traditions.
De grandes et fécondes polarités peuvent être définies à partir de ce couple — « grandes et petites mythologies » — que nous nous efforcerons désormais d’envisager plutôt dans leur complémentarité que dans leur différence : savant vs populaire, écrit vs oral, roman (poésie…) vs conte… Sont également concernées les représentations imaginaires comme la géographie (Rome, Babel, le Septentrion, l’Autre Monde, le Paradis …), ou ce que Philippe
Walter a appelé la Mythologie chrétienne, tandis que les mythologies norroise et celtique font désormais l’objet d’éditions, de traduction ainsi que de savants et passionnants travaux.
En effet : Mélusine et les pédauques sont les cousines « populaires » des sirènes ; le cordonnier est au conte ce qu’Héphaïstos est à l’Olympe ; le Roi Pêcheur est au coeur d’un ancestral scénario cosmique, de même que le Lancelot du Chevalier de la Charrette ; des personnages comme le diable ou la sorcière évoluent au croisement des deux sphères impliquées ; le géant ou le nain, le cheval ou le chien charrient une mémoire indo-européenne que les Grecs et les Romains ne sont pas les seuls à avoir su exploiter ; les marelles ne sont que des dédales en miniature, et le septentrion a alimenté les « rêveries poétiques » des anciens philosophes comme des conteurs ; enfin, Cendrillon est une créature vénérable et très antique dont on trouve des traces dans les premiers témoins littéraires en notre langue ; c’est une cousine de la Reine Berthe, celle au(x) grand(s) pied(s), qui descend elle-même des antiques Parques – bref, le champ est vaste, inspirant, inépuisable ; toutes les spécialisations peuvent potentiellement apporter leur pierre à l’édifice.
Ainsi donc, il ne s’agit pas tant de traiter de la grande ou de la petite mythologie que d’établir des relations entre les deux domaines : les contributions porteront toujours en eux cette tension dialectique fondamentale, l’empreinte de notre entreprise. Si l’on traite par exemple du géant mythologique « classique » cyclopes ou autres, il conviendra d’établir ponctuellement une relation ou une comparaison avec les figures gigantesques chez Chrétien de Troyes par exemple, ou chez les frères Grimm. A l’inverse, on mettra en perspective la figure de loup-garou médiévale non seulement avec les nombreuses traditions populaires, mais aussi, avec les attestations classiques. Enfin, la prise en compte de la dimension diachronique permettra de souligner des « fusions » ou « contaminations sympathiques » des motifs analysés.
Axes (liste non exhaustive) :
Créatures et Figures : le géant, le dragon, la Lorelei, saint Nicolas, Cendrillon…
Espace et Temps : la montagne, le fleuve, le Paradis, chute et ascension, la forêt, le pays de Cocagne..
Signes et emblèmes : l’anneau, la cape, un nombre, trois gouttes de sang dans la neige (ou sur un mouchoir…
Motifs : épine dans la patte, le labyrinthe, la chasse sauvage… Mythologies au pluriel : mythologie chrétienne, celtique, norroise…
Approches critiques : théories, questions « génériques », écoles, véhicules…
Organisation Le séminaire se tiendra le premier jeudi du mois, soit trois séances au premier semestre et trois séances au second semestre, soit, pour l’année 2018-2019 :
Jeudi 4 octobre, 8 novembre 6 décembre 4 février 7 mars 4 avril.