SÉMINAIRE
« Etre contemporain »
(CERIEL, U. de Strasboug)
Lionel Ruffel
professeur de littérature générale et comparée (U. Paris 8)
Jeudi 15 novembre 2018
18 h 15
(salle 412 – Faculté des Lettres, bâtiment Le Portique)
« Un livre dangereux. Sur la circulation contemporaine des textes
(autour de L’Insurrection qui vient et de l’affaire dite « de Tarnac ») »
Résumé : « This is a dangerous book! », s’inquiétait Glenn Beck sur Fox News lors de la parution aux États-Unis de l’ouvrage du Comité invisible, L’Insurrection qui vient. L’affaire dite de « Tarnac » traversait l’Atlantique alors qu’en France, elle avait agi comme un puissant révélateur des enjeux liés à la circulation contemporaine des textes. Au départ, rien que de très classique : un livre donc, L’Insurrection qui vient. Et un fait-divers criminel : des lignes de train endommagées. Les deux sont liés par des lecteurs (police, justice, monde politique) « bovaryens », qui comme Emma Bovary, ne distinguent plus l’espace fictionnel ouvert par un livre et l’espace de l’action. Le livre devient alors unique pièce à conviction d’un procès médiatique puis d’un procès judiciaire. Problème : ce livre n’a pas d’auteur revendiqué, sinon un collectif invisible et imaginaire. C’est toute la structure moderne du littéraire, celle que le contemporain met en crise, qui se trouve ici convoquée. Qu’est-ce qu’un livre ? Qu’est-ce qu’un livre sans auteur ? Sans visibilité ? Sans droit de propriété ? Quels usages doit-on en faire ? Un livre peut-il être une pièce à conviction ? Quelles en sont les frontières ? Car la structure moderne du littéraire n’est rien moins que la structure moderne de la propriété, ou pour le dire autrement la raison d’être du capitalisme. Telles sont les véritables questions de l’affaire dite « de Tarnac ». Et telles sont les questions littéraires fondamentales qui se posent
à nouveau en ouverture de ce millénaire. C’est à leur déploiement, de Kant à Fox News, en passant par Tiqqun que cette communication souhaite se consacrer.