CONFÉRENCE
IUTL de REIMS
Maison Saint-Sixte, 6 rue du Lieutenant Herduin
Mercredi 26 avril 2017
14h
Alain Trouvé
« La nuit talismanique de René Char ou
la fenêtre entrouverte sur le clair-obscur de la création »
La nuit talismanique, Genève, Skira, 1972
Quatrième de couverture
« Faute de sommeil, l’écorce… » date d’un temps où la nuit qui m’avait tant servi se retira de moi, me laissant les sables et l’insomnie (1955-1958). Je sus alors que la nuit était eau, qu’elle seule abreuve et irrigue, et pour m’assurer contre ce passage difficile, je rassemblai mes précaires outils : encre de Chine de couleur, bâtons de cire, pointes rougies au feu, écorces de bouleau, plumes, couteaux, crayons, clous, poinçons, pinceaux, cartons, bois, buvards humides. J’étais immobilisé dans ma chambre sous une électricité haïssable. Servante ou maîtresse, proche du souffle et de la main, rasante et meurtrie, cette flamme dont j’avais besoin, une bougie me la prêta, mobile comme le regard. L’eau nocturne se déversa dans le cercle verdoyant de la jeune clarté, me faisant nuit moi-même, tandis que se libérait l’oeuvre filante. Il est des orages voûtés et bredouillant au-dessus de notre tête. Ce sont de vieux dieux devenus mendiants. J’aimais les railler mais aussi les entendre. Quatorze ans plus tard (1972), « La nuit talismanique qui brûlait dans son cercle » achève le geste solitaire d’élever la bougie. Sont apparus la maison, son habitant, son mobilier. Qui vit là ? Le poète n’en sait rien. Crépite le moteur flèche et passent les phares code. Une main autre protège la flamme ovale.
René Char