APPEL À CONTRIBUTION
Colloque international
« La famille et le droit dans les littératures de langue française (XIXe-XXIes.) :
de l’analyse critique à la discussion littéraire en classe »
U. Grenoble-Alpes, 12 et 13 octobre 2022
Les histoires de famille peuplent la littérature : « déclinaisons généalogiques, revendications filiales ; loyautés et déloyautés adelphiques, tribulations matrimoniales alimentent tant les légendes, épopées et tragédies anciennes que, en moins ample et moins respectueux, les farces, les satires, les
fabliaux […] » (Bernard, 2014, 26). Matériau plastique, la famille donne lieu à des variations formelles indissociables de mutations historiques et sociales précises que la littérature, à son tour, réfléchit, répercute et interroge. Or l’un des faits marquants des représentations littéraires de la famille au XIXe et au XXe siècle est la manière dont elles répercutent les mutations induites par l’avènement et les transformations du droit civil moderne et contemporain. Ce dernier, qui comporte des dispositions sur le statut des personnes et des biens, ainsi que sur les relations entre personnes privées, en particulier au sein de la famille, est à la fois un marqueur et un catalyseur déterminant de la dynamique de l’individualisme, compris dans sa double dimension d’histoire politique du droit des individus et d’histoire sociale de l’individualité (Gauchet, 2002).
[…]
[L]e colloque se propose de mettre en regard les sphères culturelles et les époques pour étudier les représentations, les formes et les enjeux qui découlent de l’inscription du droit civil, en particulier le droit de la famille, dans la littérature en langue française du XIXe au XXIe siècle. Mais il se donne aussi pour ambition de penser les conditions de possibilité et les modalités d’une transposition didactique de ces ressources, pour les classes du second degré. Car l’enjeu éducatif est d’importance. La famille, en tant que « médiatrice entre l’individu et la cité » (Bernard, 2007) parle directement aux adolescents et questionne leur construction identitaire. La mise en perspective des textes littéraires devrait aider à penser des « imaginaires théoriques » (patriarcal, paternaliste, progressiste, démocratique), par rapport aux bouleversements juridiques dont les oeuvres sont contemporaines (Bernard, 2007). Inversement, les textes déjouent et reconfigurent les catégories pré-établies. Étudier comment, dans les textes du passé, les relations humaines, publiques et privées, mais aussi les formes de l’amour, conjugal et parental, jusqu’aux sentiments les plus intimes (Knibieheler, 2007), se trouvent affectés, pourrait favoriser une forme d’auto-réflexivité du lecteur sur sa propre situation personnelle et historique.
Depuis 2017, plusieurs publications ont engagé la didactique de la littérature dans un « tournant éthique » à l’instar de plusieurs numéros de revue comme Repères, Le français aujourd’hui ou Recherches et Travaux, ainsi que l’ouvrage collectif Enseigner la littérature en questionnant les valeurs (Rouvière, 2018). La didactique de la littérature s’est ouverte à une définition de la lecture littéraire comme lecture axiologique (Dufays, 2010, 2019 ; Rouvière, 2018), jusqu’à expérimenter en classe le détour par un support documentaire à caractère juridique pour faire un retour critique vers le texte (Fourgnaud, 2018 ; Rouvière, 2020). À partir du constat selon lequel le questionnement en classe sur les valeurs en jeu dans les textes et leur lecture se trouve souvent esquivé, escamoté (Le Fustec & Sivan, 2004) ou différé (Daumet, 2020), la question est de savoir si
l’introduction d’un corpus mêlant droit civil, droit de la famille et littérature modifie la part consacrée à l’éthique dans l’enseignement-apprentissage, le texte juridique pouvant aussi être utilisé en cours comme un déclencheur d’écriture.