Appel à communication
19e Rencontres des chercheur·e·s en didactique de la littérature, 21-22-23 juin 2018, Lausanne
Texte de cadrage
Littérature(s) et langue(s) en classe : quelle circulation entre méthodologies de recherche et pratiques enseignantes?
Les 19es Rencontres des chercheur·e·s en didactique de la littérature se proposent d’examiner la circulation des savoirs entre la recherche et les pratiques enseignantes. Prenant appui sur les constats qui ont ponctué le développement du champ, ces journées constituent une occasion de saisir les interrogations qui ont entouré la genèse des Rencontres et de les relire à la lumière des enjeux actuels. En effet, notamment après les éditions 2000 et 2001 qui ont accueilli des débats fondateurs relatifs au statut, aux modalités et aux effets de la recherche en didactique de la littérature, il semble pertinent d’analyser comment la dimension praxéologique s’incarne dans les travaux en didactique de la littérature. À ce titre, les 19es Rencontres s’inscrivent dans des questionnements qui animent plus généralement la didactique des langues et cultures premières, secondes, étrangères (vivantes et classiques), à savoir la diffusion et la réception des résultats de recherches, ainsi que l’articulation avec les problématiques issues du terrain enseignant.
Historiquement, Bertrand Daunay et Yves Reuter (2008) rappellent qu’un malentendu existe relativement à la dimension praxéologique de la didactique, souvent ramenée à un avatar de l’applicationnisme. Les auteurs relèvent une confusion, que la didactique ne parvient pas toujours à éviter, « d’une part entre les savoirs (construits ou convoqués) pour la recherche didactique (qui ne sont pas censés quitter le cadre théorique où ils prennent sens) et les savoirs pour l’enseignement » (p. 57). Aussi, dans une discipline où la question de l’autonomie est encore débattue (Fourtanier, Langlade & Rouxel, 2000 ; Schneuwly, 2014) et où les recherches théoriques et descriptives sont dominantes (Daunay & Dufays, 2007 ; Dufays & Brunel, 2016), il semble important de problématiser le risque d’éloignement entre les chercheur·e·s et les praticien·ne·s, dû à une forme d’hermétisme qui peut entourer leurs questionnements respectifs et, sur le plan épistémologique, à l’occultation des savoirs issus de la pratique enseignante. Si des études ont établi que peu de travaux de didacticien·ne·s sont convoqués dans la classe de français (Garcia-Debanc & Dufays, 2008 ; Chartrand & Lord, 2013), malgré l’association régulière d’enseignant·e·s à des projets de recherche, on relève qu’en didactique des langues et cultures étrangères notamment, certain·e·s chercheur·e·s ont trouvé des formes de médiation possibles afin de répondre activement aux besoins de la pratique. En didactique des langues étrangères, les travaux de la Section langues et politiques linguistiques du Conseil de l’Europe ont comme mission explicite de se positionner en tant qu’interface entre la recherche et les exigences des acteurs du terrain (enseignant·e·s, formateurs et formatrices, institutions). Le champ de la didactique de la littérature n’aurait-il pas intérêt à importer ces démarches, pour établir les spécificités des relations qui s’établissent – ou non – entre chercheur·e·s et corps enseignant ?
Les 19es Rencontres considèreront ainsi la didactique de la littérature comme un champ qui compare, travaille et intègre des réflexions issues du texte saisi dans des contextes linguistico-culturels variés.
Le questionnement sur l’objet littéraire entendu comme texte actualisé dans des réceptions, mais aussi comme produit historique et véhicule de culture, est en effet commun aux disciplines littéraires, scolaires et universitaires. Ces journées inviteront à traiter de problématiques liées au texte littéraire, par-delà les variations des contextes linguistiques et culturels et en assumant les distinctions constitutives des objets. Des spécificités demeurent, certes ; néanmoins des éléments communs essentiels prévalent : le développement de compétences en littératie (comprendre, analyser, interpréter un texte), l’exploration esthétique et formelle de la langue, la construction d’une pensée critique, l’encouragement à l’éducation à la diversité culturelle, interculturelle et linguistique. Une telle vision trouve un appui dans les développements les plus récents de la didactique de la littérature du français langue étrangère : Godard (2015, 59) souligne les « nécessaires complémentarités entre les didactiques du français » (langue première et étrangère) en vue de la « convergence dans les objectifs du français langue étrangère, du français langue seconde et du français langue maternelle » auxquelles on ajoutera les autres langues étrangères modernes et anciennes. Sans chercher à gommer les particularités relatives aux contextes pluriels de l’enseignement du texte littéraire dans différentes langues, les 19es Rencontres encourageront à considérer ces différences constitutives non pas comme un obstacle, mais bien comme le point de départ d’une réflexion épistémologique et appropriée aux besoins de la pratique enseignante. Les communicant·e·s seront convié·e·s à identifier et à analyser ce qui favorise l’établissement d’une circulation, d’une influence croisée entre les travaux de recherche en didactique
de la littérature et les pratiques sur le terrain scolaire ou institutionnel (formation initiale ou continue).
Pour répondre à cette question, quatre grands axes de travail sont constitués :
1. Dimension historique et institutionnelle
On analysera dans cet axe les initiatives qui ont été adoptées afin de développer des formes de circulation entre la recherche et le terrain. La réflexion peut être amenée d’un point de vue historique ou politique, en analysant par exemple quelles démarches institutionnelles (passées ou actuelles) ont été adoptées pour créer des conditions favorables (ou non) à une telle dynamique, quel impact ont eu les intellectuel·le·s qui ont questionné ce lien. Les communications pourront également se pencher sur les cursus de formation des maitres, afin d’analyser l’alternance prescrite entre recherche et pratique de terrain. Les contributions attendues se poseront notamment les questions suivantes : des démarches sont-elles mises en place dans les différentes institutions pour établir une dynamique entre pratique enseignante et recherche ? Entre pratique enseignante et formation ? Entre pratique d’enseignement et pratique d’écrivain·e·s ? Comment ces démarches se caractérisent-elles ? Quels sont les lieux où cette circulation peut se faire ? Dans quels formats ?
2. Dimension épistémologique et concepts
Dans ce deuxième axe, on se demandera si les concepts, entendus ici comme « des syntagmes fonctionnant comme des moyens théoriquement construits au sein d’une discipline, raisonnablement stables et opératoires » (Daunay, Reuter & Schneuwly 2011, 16), assurent un relai valide des savoirs scientifiques, des savoirs littéraires aux savoirs didactiques en répondant, d’une part, à des impératifs d’explicitation raisonnée d’un phénomène et, d’autre part, à des besoins réels d’apprentissage ou d’enseignement. Quels concepts favorisent la prise en compte de la pluralité de l’objet littéraire, la prise en compte d’une diversité de textes de formes et de langues différentes ?
Dans quelle mesure le rapport au savoir développé tant dans les recherches en didactique de la littérature que dans la classe de littérature permet-il une rencontre des chercheur·e·s et des enseignant·e·s ou une rencontre des enseignant·e·s et des auteur·e·s ?
3. Dimension méthodologique et outils de la recherche
Dans le troisième axe, on abordera la question des outils méthodologiques. Dans quelle mesure ces outils permettent-ils de mieux penser le lien entre les besoins de la recherche et les besoins du terrain au regard de l’enseignement-apprentissage de la littérature ? Quels liens, notamment, effectuer entre méthode de recherche et démarches d’enseignement ? Comment dans des dispositifs de
recherches de type collaboratif ou design based research assure-t-on un équilibre entre volonté, liberté et créativité du chercheur et volonté, liberté et créativité de l’enseignant ou du formateur ? Que faire de l’exploitation des données en vue de faire évoluer les pratiques ? Certains outils assurent-ils une meilleure diffusion du savoir issu de la didactique de la littérature ? Quels résultats de recherche utiliser dans la classe et dans la formation ? De quelle manière et à quelle fin ?
4. Dimension méthodologiques et outils d’enseignement et d’apprentissage
Partant du fait indiscutable que toute planification d’enseignement vise la mise en activité de l’élève et le développement de ses capacités, le quatrième axe soulève les questions suivantes : quels outils didactiques permettent de travailler la compréhension et l’interprétation d’un texte littéraire, que l’élève se trouve face à un texte en français, en langue étrangère vivante ou en langue étrangère classique ? Quelles approches d’enseignement-apprentissage développent le bagage culturel de l’apprenant·e, son esprit critique, son sens esthétique, favorisent l’expression de ses émotions ?
Comment faire circuler les savoirs issus de la recherche jusque dans les démarches d’enseignement et d’apprentissage ? Quel impact les résultats des recherches ont-ils sur les moyens d’enseignement ?
Bibliographie et informations pour les communicant·e·s.